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Le réveil des trains de nuits

Tombé en désuétude, ce mode de transport écolo pourrait bien reprendre du service. C’est déjà le cas dans plusieurs pays européens et la loi Mobilités, promulguée fin 2019, engage l’Etat français à étudier sa relance

« Je m’en vais vers le soleil/Dans le train de nuit/Tout là-bas c’est le réveil/Dans le train de nuit »), chantait Petula Clark dans les sixties. A l’époque, le réseau français des trains de nuits ressemblait à une toile d’araignée et jusque dans les années 1990, la SCNF communiquait encore sur cette idée forte : « Voyager la nuit, c’est du temps de vacances en plus ».

« Je m’en vais vers le soleil/Dans le train de nuit/Tout là-bas c’est le réveil/Dans le train de nuit »), chantait Petula Clark dans les sixties. A l’époque, le réseau français des trains de nuits ressemblait à une toile d’araignée et jusque dans les années 1990, la SCNF communiquait encore sur cette idée forte : « Voyager la nuit, c’est du temps de vacances en plus ».

Mais avec le développement des autoroutes, la démocratisation de l’avion et, surtout, la naissance du TGV, ce moyen de transport est tombé en désuétude. En l’an 2000, 67 lignes de trains de nuit sillonnaient encore l’Hexagone. Dix ans plus tard, on n’en comptait plus qu’une douzaine. Désormais, elles ne sont plus que deux : le Paris-Briançon vers les Alpes du Sud et le Paris-Latour-de-Carol-Rodez-Toulouse-Portbou vers les Pyrénées. Dérisoire pour le deuxième plus grand réseau ferré d’Europe après l’Allemagne.


Des voyages longue distance sans « flygskam »


La dernière vague de suppression des trains de nuit, survenue en 2016, a toutefois fait réagir du côté de Perpignan, où est né le collectif « Oui au train de nuit ». L’appel à un « remaillage » de la France par ce petit groupe de citoyens issus du milieu associatif a d’abord fait sourire. C’était avant que leur pétition pour relancer « le service public des trains de nuit » ne dépasse les 170 000 signataires, portée par la prise de conscience de l’urgence écologique, le phénomène Greta Thunberg et l’émergence du « flygskam », la honte de prendre l’avion.

« Quand on a commencé à se battre, on avait du mal à mobiliser mais depuis six mois, il y a un renversement de situation », confirme Claire Serrurier, membre du collectif. A ses yeux, la défense du train de nuit est d’abord une question de bon sens : « C’est un moyen de transport sans kérosène, donc écologique ».

Et puis, « on traverse la France d’un bout à l’autre, de centre-ville à centre-ville, sans perdre de temps puisque l’on dort », ajoute-t-elle. Comme ses comparses du collectif, elle aime répéter que Perpignan n’est qu’à une heure de Paris : « une demi-heure pour s’endormir et une demi-heure pour se réveiller ». Pour le collectif, en reliant des territoires enclavés non desservis par le TGV, mais aussi des régions éloignées les unes des autres, les trains de nuits constituent un enjeu d’équité des territoires.

« La poésie des voyages à basse vitesse »

Elle aussi adepte des trains de nuit, la journaliste Juliette Labaronne, auteure de Slow train, paru en avril dernier aux éditions Arthaud, met en avant un autre argument en faveur du train de nuit : « la poésie des voyages à basse vitesse ». Elle raconte : « Quand on prend le train de nuit Paris-Portbou, on arrive à destination vers 10-11 heures ce qui permet d’admirer les corniches, les calanques, les plages de la côte catalane. Cela permet de s’immerger de façon apaisante dans son voyage ».

Et puis il y a cette ambiance toute particulière : « Quand on voyage de nuit, une intimité se crée entre les voyageurs. On se dit bonjour, on parle de sa destination… Il y a une bienveillance et une convivialité que l’on ne retrouve pas dans les TGV », estime la journaliste. Pour elle, le retour en grâce des trains de nuit est inéluctable du fait, notamment, du rejet d’une certaine façon de voyager : « il y a un ras-le-bol du ‘low cost' où on est tous serrés dans un avion à se faire gueuler dessus pour aller boire des coups dans une ville qui ressemble à toutes les autres », résume-t-elle.

Les défenseurs du train de nuit ont des raisons d’espérer : la Loi Mobilités promulguée fin 2019 engage ainsi l’État à étudier la relance des trains de nuit d’ici juin prochain.


La nuit d’avance de l’Autriche


Il y a aussi ces exemples inspirants ailleurs en Europe, comme en Suède et surtout en Autriche. En 2016, lorsque la compagnie autrichienne ÖBB lance ses « Nightjet » en reprenant l’activité trains de nuit de sa grande sœur allemande la Deutsche Bahn (DB), le scepticisme est de mise. Car la DB y avait renoncé du fait de la baisse continue de voyageurs tout au long des années 2000. Quatre ans après ce pari, les trains de nuit de la ÖBB transportent environ 1,4 million de passagers par an. Et d’ici deux ans, plus d’une dizaine de « Nightjet » devraient encore rentrer en service.

Le modèle est-il transposable en France ? Fabien Couly, directeur des études et de l’observation des marchés à l’Autorité de régulation des transports, estime que le potentiel pour un marché de niche a toujours été là : « En 2015, lorsque la France comptait encore six lignes de trains de nuit, 900 millions de passager.km* les empruntaient, soit 1 % du marché ferroviaire hexagonal ». Un pourcentage faible en apparence, mais qui équivaut tout de même à un tiers du marché des « cars Macron » largement considérés comme un succès commercial, souligne-t-il…

Pour relancer les trains de nuit, selon lui, il faudrait aller chercher du côté des transversales oubliées, des villes mal desservies par le TGV, voire des destinations de plus trois heures où la seule option rapide proposée est l’avion. C’est le cas entre Paris et Nice depuis la suppression, en 2017, du mythique « train bleu »… Un train de nuit que l’opérateur privé Flixtrain envisage de relancer en 2021.

Si relance il y a, pour cette ligne-là comme pour les autres, l’opérateur quel qu’il soit devra rénover l’offre. « Le train de nuit s’apparente presque à de l’hôtellerie. L’attractivité est donc nécessaire », relève Fabien Couly. En Autriche, ÖBB a fait le choix de récupérer des wagons existants en refaisant tout l’intérieur à neuf : cabine, couchage, siège… Une nuit d’avance sur la France.

www.nouvelobs.com / Alcyone Wemaëre

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