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Chūō Shinkansen, le train magnétique japonais à 500km/h

Encore plus rapide ? Le Japon et la Chine se livrent une grande bataille autour d’une technologie ferroviaire oubliée en Europe : la lévitation magnétique (Maglev).

Chūō Shinkansen, le train magnétique japonais à 500km/h

Avec cette technologie, les trains circulent au-dessus des voies, et non sur celles-ci, suspendus dans l’air par des forces magnétiques. Il n’y a donc pas d’usure des rails comme c’est le cas pour les chemins de fer conventionnels.

Encore une nouvelle ligne malgré le succès du Shinkansen ?

Comme le décrit Sven Andersen dans l’Asia-Pacific Journal, l’horaire actuel du Tokaido Shinkansen a conduit à la saturation des lignes à grande vitesse conventionnelles. Le service Tokyo-Osaka comprend un service direct de Shinkansen (Nozomi) ainsi que d’autres Shinkansen s’arrêtant dans plusieurs gares intermédiaires, appelées “Hikari” et “Kodoma”. Cependant, l’expansion du trafic nécessite davantage de “Hikari” et de “Kodoma”, entre lesquels près de 225 Shinkansen directs doivent se faufiler. Aujourd’hui, il n’est plus possible d’insérer des “Hikari” et des “Kodoma” supplémentaires, ni plus de Shinkansen dans une grille horaire complètement remplie. D’où l’idée de créer une nouvelle ligne qui ne passerait plus le long de la côte.

En même temps, les Japonais voulaient faire un saut technologique majeur et doubler la vitesse commerciale plutôt que de simplement reproduire la technologie conventionnelle rail/roue du Shinkansen actuel. Pour ce faire, ils ont adopté la lévitation magnétique, une invention venue d’Europe.

Maglev

Après la catastrophe du 22 septembre 2006 à Lathen, en Allemagne, la technologie Maglev s’était définitivement arrêtée en Europe, à l’exception de l’entrepreneur bavarois Bögl, qui y croit toujours, mais dans une version urbaine. Le 30 juin 2000, les gouvernements allemand (ère Schröder) et chinois ont signé un accord pour mener une étude de faisabilité commune sur le Maglev Shanghai, impliquant les entreprises Max Bögl, Siemens AG, ThyssenKrupp Transrapid GmbH et Transrapid International GmbH & Co. En 2001, sur la base de l’étude de faisabilité, une première ébauche de conception du projet a été réalisée, accompagnée d’un accord sur le transfert de technologie. La ligne entre Shangaï et l’aéroport de Pudong a été inaugurée le 31 décembre 2002 et reste le seul grand projet commercial à ce jour. Ce train à sustentation magnétique à courte distance, propriété de l’État, a eu du mal à être rentable, perdant plus d’un milliard de yuans au cours de ses premières années d’existence. À l’exception de ces exemples, la technologie n’a jamais été utilisée pour une liaison interurbaine.


Chūō Shinkansen, le train magnétique japonais à 500km/h

La nouvelle ligne japonaise Maglev est un projet qui reliera les trois principales zones métropolitaines de Tokyo, Nagoya et Osaka. Elle est connue sous le nom de Chuo Shinkansen. Elle prévoit la mise en service de trains Maglev à une vitesse maximale de 505 km/h, ce qui réduira de moitié les temps de trajet du Shinkansen conventionnel actuel. Le trajet Tokyo-Nagoya devrait passer de 1 h 30 à 40 minutes, et le trajet Tokyo-Osaka de 2 h 30 à 1 h 07 minutes. Le projet a été approuvé en 2014 et également dans le cadre du plan 2017 dans lequel le budget de 5,52 trillions de ¥ (50 milliards de dollars américains) a été fixé.


Chūō Shinkansen, le train magnétique japonais à 500km/h

Comme l’explique Sven Andersen, une séparation claire des différents types de trains vise à maximiser la capacité globale des deux lignes à grande vitesse dans le corridor Tokyo – Osaka : le Tokaido Shinkansen existant sera utilisé exclusivement pour répondre à la demande de trafic de toutes les stations intermédiaires vers les gares centrales de l’agglomération de Tokyo ainsi que Nagoya, Kyoto et Osaka, tandis que le nouveau Chuo Shinkansen prendra en charge tous les services Nozomi. Cette étape nécessite d’assurer la même capacité pour les trains Nozomi sur le Chuo Shinkansen que sur le Tokaido Shinkansen.

De très importants travaux de génie civil

Bien entendu, rouler à 500 km/h signifie que les tronçons de route doivent être aussi rectilignes que possible. Les pentes atteignent environ 40‰, ce qui est déjà pratiqué sur les lignes à grande vitesse conventionnelles. Le principal problème du Chuo Shinkansen est qu’en quittant les zones côtières, il doit s’insérer dans un terrain presque montagneux qui rappelle les Alpes en Europe.

Pour réduire le bruit et résoudre les problèmes de terrain, 86 % des voies de la section Tokyo-Nagoya sont souterraines, alors que la section à l’air libre ne fait que 40 kilomètres de long. Des sections souterraines profondes sont également utilisées dans les sections de trois grandes zones métropolitaines, dont Higashi – Meihan. Les deux gares terminales sont également souterraines : La gare de Shinagawa, à l’extrémité de Tokyo, se trouverait à 40 mètres sous terre, et la gare de Nagoya serait enterrée à environ 30 mètres. Le Chuo Shinkansen se révèle être un énorme tube de béton enterré profondément sous la montagne.

Les trains

Central Railway a jusqu’à présent construit trois prototypes de ce train : le MLX01-1, le MLX01-901 et la “Série 0”. À ce jour, le train de la série L0 consiste en un train de 12 wagons destiné à des opérations d’essai sur l’ensemble du tronçon étendu (42,8 kilomètres) de la ligne expérimentale existante de Yamanashi. Les lettres et les chiffres “L” et “0” sont tirés de “Linear” et “Zero emission”. Les fenêtres ont l’apparence de celles d’un avion, mais elles sont légèrement plus grandes.

Le Chuo Shinkansen est moins large que le Shinkansen conventionnel en service. Cela signifie qu’il n’y a que quatre sièges par rangée (disposition 2+2), contre cinq actuellement dans les trains Shinkansen. Cela pourrait rendre le Maglev moins rentable, car la largeur du Shinkansen conventionnel était précisément un argument pour transporter 1.323 passagers (Serie N700 de 16 voitures), sans avoir besoin de trains à deux étages comme en France (TGV Duplex). Cette moindre capacité, même avec un rythme espéré de 8 trains par heure, fait l’objet d’une controverse au Japon.

On peut d’ores et déjà estimer que le Maglev nécessite trois fois plus d’énergie que le Shinkansen conventionnel

Chūō Shinkansen

Le réseau Maglev japonais repose sur des aimants supraconducteurs capables de faire léviter le train jusqu’à 10 cm avec un minimum de frottement. La consommation d’énergie d’un système à grande vitesse représente une part importante de son coût total d’exploitation. Mais en cette période d’essais et de recherche, le secret des affaires ne permet pas de chiffrer exactement la consommation de la lévitation magnétique. D’autres sources japonaises fournissent des informations partielles sur le projet qui, bien que techniquement valables, peuvent être principalement attribuées aux détracteurs du Maglev L0 sur la base de leurs arguments respectifs. Toutefois, on peut déjà estimer que le Maglev nécessite trois fois plus d’énergie que le Shinkansen conventionnel. Selon certaines sources, aux heures de pointe, la ligne Chuo Shinkansen nécessiterait 270 000 kW d’électricité pour une vitesse de déplacement maximale 1,7 fois supérieure à celle des trains Shinkansen ordinaires.

La maintenance n’a pas été oubliée. La construction de la première des deux installations de maintenance des véhicules Maglev pour le Chuo Shinkansen a commencé le 14 octobre 2021, à Nakatsugawa City dans la préfecture de Gifu. Le site de 50 ha est situé sur un embranchement à l’est du tracé du maglev Tokyo – Nagoya, à environ 65 km de Nagoya.

Outre les travaux d’inspection et de maintenance, le site de Nakatsugawa comprendra un atelier pour l’assemblage de nouveaux véhicules et les révisions complètes. Le second dépôt et site de maintenance sera situé à Sagamihara City dans la préfecture de Kanagawa, à environ 45 km du centre de Tokyo, selon Railway Gazette.

Le 21 avril 2015, le train L0 atteignait 603 km/h sur une voie expérimentale dans la préfecture de Yamanashi.

Explosion des coûts et gros retards

À l’époque de Shinzō Abe, le prêt à faible taux d’intérêt accordé par le gouvernement aux trains à grande vitesse était l’un des nombreux avantages d’un plan annoncé à plus de 28 000 milliards de yens (280 milliards de dollars américains en 2016). Mais en 2021, JR Central a confirmé une augmentation des coûts de construction du Chuo Shinkansen de 1,5 trillion de yens (13,7 milliards de dollars), portant le coût total du projet de 286 km entre Tokyo et Nagoya à 7,04 trillions de yens (70 milliards de dollars), explique l’International Railway Journal.

“Le maglev constitue non seulement un projet extraordinairement coûteux mais aussi anormalement énergivore”, expliquent deux chercheurs

Les coûts concernent également le train lui-même. En raison de l’impossibilité de négocier avec la compagnie ferroviaire japonaise Tokai Passenger Railway (JR Tokai) sur les coûts de fabrication, Mitsubishi Heavy Industries a décidé de se retirer de la construction du train. En décembre 2018, JR Tokai a annoncé que Nippon Rolling Stock Manufacturing et Hitachi Manufacturing deviendraient les nouveaux responsables de la fabrication du Maglev.

Le prix élevé du Chuo Shinkansen japonais a été remis en question par la pandémie de coronavirus, qui, selon les études, pourrait modifier de façon permanente les besoins en matière de voyages d’affaires entre les grands centres.

Railway-technology a rapporté en 2020 les propos de Hidekazu Aoki et Nobuo Kawamiya, deux chercheurs japonais dénonçant le projet : “le maglev constitue non seulement un projet extraordinairement coûteux mais aussi anormalement énergivore, consommant en fonctionnement entre quatre et cinq fois plus d’énergie que le Tokaido Shinkansen.”

La Central Japan Railway Co. (JR Tokai) avait initialement prévu de mettre en service la ligne Chuo Shinkansen entre la gare de Shinagawa de la capitale et la gare de Nagoya en 2027, avec une connexion ultérieure à Osaka. Mais une préfecture, celle de Shizuoka, concernée par seulement 8,9 kilomètres du projet, refuse de donner le feu vert aux travaux. La date de 2027 est donc sérieusement compromise. Les autorités préfectorales font valoir que la construction d’un tunnel entraînera l’écoulement des eaux souterraines en dehors de la préfecture, ce qui se traduira par une diminution du volume d’eau disponible dans la rivière Oigawa, qui traverse la préfecture, explique le site web asahi.com.

Une technologie pour l’export ?

Le journal The Detroit News explique que l’un des pays vers lesquels JR Central cherche à exporter sa technologie maglev est les États-Unis, où la société travaille avec des partenaires pour jeter les bases d’une ligne maglev qui relierait Washington D.C. et New York, et dont le coût est estimé à 10 milliards de dollars pour le seul premier tronçon entre D.C. et Baltimore. S’il est construit, le train réduirait le temps de trajet entre les deux villes à une heure, contre trois actuellement, selon JR Central, ce qui le rendrait encore plus rapide que l’avion.

Mais pour convaincre, les Japonais, en concurrence avec les Chinois, devront démontrer les avantages de la technologie Maglev et, surtout, la rentabilité de l’infrastructure et du projet dans son ensemble.

Les Européens ont été plus sages et ont continué à se concentrer sur la technologie du rail et de la roue. Bien sûr, il faut aussi donner des garanties à ce transport décarboné, et éviter les atermoiements dévastateurs que l’on a vus récemment avec HS2 en Grande-Bretagne…🟧



Auteur: Frédéric de Kemmeter

www.mediarail.wordpress.com

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